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CORRESPONDANCE

« amant de la nature ». Je regarde le ciel, les arbres et la verdure avec un plaisir que je n’ai jamais eu. Je voudrais être vache pour manger de l’herbe.

J’ai lu la Correspondance de Balzac. Eh bien, c’est pour moi une lecture édifiante. Pauvre homme ! quelle vie ! comme il a souffert et travaillé ! Quel exemple ! Il n’est plus permis de se plaindre quand on connaît les tortures par où il a passé, — et on l’aime. Mais quelle préoccupation de l’argent ! Et comme il s’inquiète peu de l’Art ! Pas une fois il n’en parle ! Il ambitionnait la Gloire, mais non le Beau. D’ailleurs que d’étroitesses ! légitimiste, catholique, collectivement rêvant la députation et l’Académie française ! Avec tout cela, ignorant comme un pot et provincial jusque dans les moelles : le luxe l’épate. Sa plus grande admiration littéraire est pour Walter Scott.

J’aime mieux la Correspondance de Voltaire. L’ouverture du compas y est autrement large !

Je suis bien aise que tu te plaises au cours de Claude-Bernard. Quand tu voudras faire sa connaissance, rien de plus facile. En te recommandant de mon nom, je suis sûr qu’il t’accueillera très bien.

C’est une joie profonde pour moi, mon pauvre loulou, que de t’avoir donné le goût des occupations intellectuelles. Que d’ennui et de sottises il vous épargne ! Chez toi d’ailleurs le terrain était propice et la culture a été facile. Pauvre chat ! comme je t’aime et que j’ai envie de t’embrasser ! Quelles bavettes nous taillerons quand nous nous reverrons !

Je viens de recevoir le divin gingembre. Ça