Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/207

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sur Angleville, et qui mènerait au château de Faverges.

C’est un sacrifice que s’imposait la commune dans l’intérêt des travailleurs.

Ils se dispersèrent.

En rentrant chez eux, Bouvard et Pécuchet eurent les oreilles frappées par des voix de femmes. Les servantes et Mme Bordin poussaient des exclamations, la veuve criait plus fort, et à leur aspect :

— Ah ! c’est bien heureux ! depuis trois heures que je vous attends ! Mon pauvre jardin, plus une seule tulipe ! des cochonneries partout sur le gazon ! Pas moyen de le faire démarrer.

— Qui cela ?

— Le père Gouy !

Il était venu avec une charrette de fumier, et l’avait jetée tout à vrac au milieu de l’herbe. Il laboure maintenant ! Dépêchez-vous pour qu’il finisse !

— Je vous accompagne ! dit Bouvard.

Au bas des marches, en dehors, un cheval, dans les brancards d’un tombereau, mordait une touffe de lauriers-roses. Les roues, en frôlant les plates-bandes, avaient pilé les buis, cassé un rhododendron, abattu les dahlias, et des mottes de fumier noir, comme des taupinières, bosselaient le gazon. Gouy le bêchait avec ardeur.

Un jour, Mme Bordin avait dit négligemment qu’elle voulait le retourner. Il s’était mis à la besogne, et malgré sa défense continuait. C’est de cette manière qu’il entendait le droit au travail, les discours de Gorju lui ayant tourné la cervelle.

Il ne partit que sur les menaces violentes de Bouvard.