Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/208

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Mme Bordin, comme dédommagement, ne paya pas sa main-d’œuvre et garda le fumier. Elle était judicieuse : l’épouse du médecin, et même celle du notaire, bien que d’un rang supérieur, la considéraient.

Les ateliers de charité durèrent une semaine. Aucun trouble n’advint. Gorju avait quitté le pays.

Cependant, la garde nationale était toujours sur pied : le dimanche, une revue, promenades militaires quelquefois et, chaque nuit, des rondes. Elles inquiétaient le village.

On tirait les sonnettes des maisons, par facétie ; on pénétrait dans les chambres où des époux ronflaient sur le même traversin ; alors on disait des gaudrioles, et le mari, se levant, allait vous chercher des petits verres. Puis on revenait au corps de garde jouer un cent de dominos, on y buvait du cidre, on y mangeait du fromage, et le factionnaire qui s’ennuyait à la porte l’entre-bâillait à chaque minute. L’indiscipline régnait, grâce à la mollesse de Beljambe.

Quand éclatèrent les journées de Juin, tout le monde fut d’accord pour « voler au secours de Paris » ; mais Foureau ne pouvait quitter la mairie, Marescot son étude, le docteur sa clientèle, Girbal ses pompiers, M. de Faverges était à Cherbourg. Beljambe s’alita. Le capitaine grommelait :

— On n’a pas voulu de moi, tant pis !

Et Bouvard eut la sagesse de retenir Pécuchet.

Les rondes dans la campagne furent étendues plus loin.

Des paniques survenaient, causées par l’ombre d’une meule, ou les formes des branches : une fois, tous les gardes nationaux s’enfuirent. Sous le