Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/252

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esprits, Faraday au prolongement de l’action nerveuse, Chevreul à l’inconscience des efforts, ou peut-être, comme admet Ségouin, se dégage-t-il de l’assemblage des personnes une impulsion, un courant magnétique ?

Cette hypothèse fit rêver Pécuchet. Il prit dans sa bibliothèque le Guide du magnétiseur par Montacabère, le relut attentivement, et initia Bouvard à la théorie.

Tous les corps animés reçoivent et communiquent l’influence des astres. Propriété analogue à la vertu de l’aimant. En dirigeant cette force on peut guérir les malades, voilà le principe. La science, depuis Mesmer, s’est développée, mais il importe toujours de verser le fluide et de faire des passes qui, premièrement, doivent endormir.

— Eh bien, endors-moi ! dit Bouvard.

— Impossible, répliqua Pécuchet, pour subir l’action magnétique et pour la transmettre, la foi est indispensable.

Puis considérant Bouvard :

— Ah ! quel dommage.

— Comment ?

— Oui, si tu voulais, avec un peu de pratique, il n’y aurait pas de magnétiseur comme toi !

Car il possédait tout ce qu’il faut : l’abord prévenant, une constitution robuste et un moral solide.

Cette faculté qu’on venait de lui découvrir flatta Bouvard. Il se plongea sournoisement dans Montacabère.

Puis, comme Germaine avait des bourdonnements d’oreilles qui l’assourdissaient, il dit un soir d’un ton négligé :

— Si on essayait du magnétisme ?