Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/263

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la cuisinière avec un soldat, histoire fausse, uniquement inventée pour produire de l’effet.

La Maréchale décrocha de la patère sa capote. Frédéric se précipita sur la sonnette en criant de loin au garçon :

— « Une voiture »

— « J’ai la mienne », dit le Vicomte.

— « Mais, monsieur ! »

— « Cependant, monsieur… »

Et ils se regardaient dans les prunelles, pâles tous les deux et les mains tremblantes.

Enfin, la Maréchale prit le bras de Cisy, et, en montrant le bohème attablé :

— « Soignez-le donc ! il s’étouffe. Je ne voudrais pas que son dévouement pour mes roquets le fît mourir ! »

La porte retomba.

— « Eh bien ? » dit Hussonnet.

— « Eh bien, quoi ? »

— « Je croyais… »

— « Qu’est-ce que vous croyiez ? »

— « Est-ce que vous ne… ? »

Il compléta sa phrase par un geste.

« Eh non ! jamais de la vie ! »

Hussonnet n’insista pas davantage.

Il avait eu un but en s’invitant à dîner. Son journal, qui ne s’appelait plus l’Art, mais le Flambard, avec cette épigraphe : « Canonniers, à vos pièces ! » ne prospérant nullement, il avait envie de le transformer en une revue hebdomadaire, seul, sans le secours de Deslauriers. Il reparla de l’ancien projet, et exposa son plan nouveau.

Frédéric, ne comprenant pas sans doute, répondit par des choses vagues. Hussonnet empoigna plusieurs cigares sur la table, dit : « Adieu, mon bon », et disparut.

Frédéric demanda la note. Elle était longue ; et le