Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/262

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confondait avec la pourpre de ses lèvres, ses narines minces battaient ; et toute sa personne avait quelque chose d’insolent, d’ivre et de noyé qui exaspérait Frédéric, et pourtant lui jetait au cœur des désirs fous.

Puis elle demanda, d’une voix calme, à qui appartenait ce grand landau avec une livrée marron.

— « À la comtesse Dambreuse », répliqua Cisy.

— « Ils sont très riches, n’est-ce pas ? »

— « Oh ! très riches ! bien que Mme Dambreuse, qui est, tout simplement, une demoiselle Boutron, la fille d’un préfet, ait une fortune médiocre. »

Son mari, au contraire, devait recueillir plusieurs héritages, Cisy les énuméra ; fréquentant les Dambreuse, il savait leur histoire.

Frédéric, pour lui être désagréable, s’entêta à le contredire. Il soutint que Mme Dambreuse s’appelait de Boutron, certifiait sa noblesse.

— « N’importe ! je voudrais bien avoir son équipage dit la Maréchale, en se renversant sur le fauteuil. »

Et la manche de sa robe, glissant un peu, découvrit, à son poignet gauche, un bracelet orné de trois opales.

Frédéric l’aperçut.

Ils se considérèrent tous les trois, et rougirent.

La porte s’entrebâilla discrètement, le bord d’un chapeau parut, puis le profil d’Hussonnet.

— « Excusez, si je vous dérange, les amoureux ! » Mais il s’arrêta, étonné de voir Cisy et de ce que Cisy avait pris sa place.

On apporta un autre couvert ; et, comme il avait grand faim, il empoignait au hasard, parmi les restes du dîner, de la viande dans un plat, un fruit dans une corbeille, buvait d’une main, se servait de l’autre, tout en racontant sa mission. Les deux toutous étaient reconduits. Rien de neuf au domicile. Il avait trouvé