Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/382

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— « Quelle bêtise ! » dit Rosanette. « Est-ce que jamais ça pourra se faire ? »

L’autre cita en preuve les Esséniens, les frères Moraves, les Jésuites du Paraguay, la famille des Pingons, près de Thiers en Auvergne ; et, comme elle gesticulait beaucoup, sa chaîne de montre se prit dans son paquet de breloques, à un petit mouton d’or suspendu.

Tout à coup, Rosanette pâlit extraordinairement.

Mlle Vatnaz continuait à dégager son bibelot.

— « Ne te donne pas tant de mal », dit Rosanette « maintenant, je connais tes opinions politiques. »

— « Quoi ? » reprit la Vatnaz, devenue rouge comme une vierge.

— « Oh ! oh ! tu me comprends ! »

Frédéric ne comprenait pas. Entre elles, évidemment, il était survenu quelque chose de plus capital et de plus intime que le socialisme.

— « Et quand cela serait », répliqua la Vatnaz, se redressant intrépidement.

— « C’est un emprunt, ma chère, dette pour dette ! »

— « Parbleu, je ne nie pas les miennes ! Pour quelques mille francs, belle histoire ! J’emprunte au moins ; je ne vole personne ! »

Mlle Vatnaz s’efforça de rire.

— « Oh ! j’en mettrais ma main au feu. »

— « Prends garde ! Elle est assez sèche pour brûler. »

La vieille fille lui présenta sa main droite, et, la gardant levée juste en face d’elle :

— « Mais il y a de tes amis qui la trouvent à leur convenance ! »

— « Des Andalous, alors ? comme castagnettes ! »

— « Gueuse ! »

La Maréchale fit un grand salut.

— « On n’est pas plus ravissante ! »

Mlle Vatnaz ne répondit rien. Des gouttes de sueur