Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/383

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parurent à ses tempes. Ses yeux se fixaient sur le tapis.

Elle haletait. Enfin, elle gagna la porte, et, la faisant claquer vigoureusement :

— « Bonsoir ! Vous aurez de mes nouvelles ! »

— « À l’avantage ! » dit Rosanette.

Sa contrainte l’avait brisée. Elle tomba sur le divan, toute tremblante, balbutiant des injures, versant des larmes. Était-ce cette menace de la Vatnaz qui la tourmentait ? Eh non ! elle s’en moquait bien ! À tout compter, l’autre lui devait de l’argent, peut-être ? C’était le mouton d’or, un cadeau ; et, au milieu de ses pleurs, le nom de Delmar lui échappa. Donc, elle aimait le cabotin !

— « Alors, pourquoi m’a-t-elle pris ? » se demanda Frédéric. « D’où vient qu’il est revenu ? Qui la force à me garder ? Quel est le sens de tout cela ? »

Les petits sanglots de Rosanette continuaient. Elle était toujours au bord du divan, étendue de côté, la joue droite sur ses deux mains, — et semblait un être si délicat, inconscient et endolori, qu’il se rapprocha d’elle, et la baisa au front, doucement.

Alors, elle lui fit des assurances de tendresse ; le Prince venait de partir, ils seraient libres. Mais elle se trouvait pour le moment… gênée. « Tu l’as vu toi-même l’autre jour, quand j’utilisais mes vieilles doublures. » Plus d’équipages à présent ! Et ce n’était pas tout ; le tapissier menaçait de reprendre les meubles de la chambre et du grand salon. Elle ne savait que faire.

Frédéric eut envie de répondre : « Ne t’inquiète pas ! je payerai ! » Mais la dame pouvait mentir. L’expérience l’avait instruit. Il se borna simplement à des consolations.

Les craintes de Rosanette n’étaient pas vaines ; il fallut rendre les meubles et quitter le bel appartement de la rue Drouot. Elle en prit un autre, sur le boulevard Poissonnière, au quatrième. Les curiosités de