Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/100

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militaire, Russie ; Maxime commence à faire dire le proverbe de Constantinople : « les Français sont de bons soldats, etc., les Russes de bons cochons ». Excellent caouè. Nous repartons à 11 heures et demie et nous suivons constamment le bord de la mer, nos chevaux écrasent des coquilles sous leurs pieds, les lames qui viennent expirer sur le sable sont brunes lie de vin. Çà et là un requin échoué sur la plage ; dans le sable des ossements d’animal, entre autres un bœuf, à demi enfoui et dont la tête intacte est momifiée. Nous avons déjà vu en sortant d’Alexandrie un chameau aux trois quarts rongé.

Passage en bac à Edkou. Deux chameaux marchant tranquillement dans le gué ; sortis de l’eau, ils se couchent sur le sable pour se sécher, râlent et se vautrent. On a bien du mal à faire embarquer le mulet (celui qui porte nos provisions et sur lequel est monté Joseph), tout le monde se donne beaucoup de mal, si ce n’est le propriétaire du mulet, vieux roquentin aux mollets durs. En sortant du bac, Sassetti s’aperçoit que sa crosse est cassée ; ruades, hennissements, cabrade de nos chevaux ; ils n’ont pour bride qu’un licol et se conduisent au sifflet. Quoiqu’ils aient l’air d’infâmes rosses, ils s’enlèvent à la voix, ce sont d’excellentes bêtes.

Nous suivons le bord de la mer ; des débris de navires, restes de la bataille d’Aboukir. Nous tirons des cormorans et des pies de mer ; nos Arabes (des enfants, sauf le vieux en petit turban) courent comme des lévriers et vont en grande joie ramasser les bêtes que nous avons tuées.

Solitude. — La mer est immense. — Effet