Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/257

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triclinium ; à ses pieds et tout petit, le pape Honorius III, couché et rampant comme un animal.

En tournant la tête à gauche, j’ai vu venir lentement une femme en corsage rouge, elle donnait le bras à une vieille femme qui l’aidait à marcher ; à quelque distance un vieux en redingote, et ayant autour du cou une cravate en laine tricotée, les suivait. J’ai pris mon lorgnon et je me suis avancé, quelque chose me tirait vers elle.

Quand elle a passé près de moi, j’ai vu une figure pâle, avec des sourcils noirs, et un large ruban rouge noué à son chignon et retombant sur ses épaules ; elle était bien pâle ! Elle avait des gants de peau verdâtres, sa taille courte et carrée se tordait un peu dans le mouvement qu’elle faisait en marchant, appuyée du bras droit sur le bras gauche de la vieille bonne.

Une rage subite m’est descendue, comme la foudre, dans le ventre, j’ai eu envie de me ruer dessus comme un tigre, j’étais ébloui !..... Je me suis remis à regarder les fresques et le custode qui tenait des clefs à la main.

Elle s’était arrêtée et assise sur un banc, contre le grand carré d’échafaudage ; je l’ai regardée et j’ai..... de suite, à la douceur envahissante qui m’est survenue.

Elle avait un front blanc, d’un blanc de vieil ivoire ou de paros bien poli, front carré, rendu ovale par ses deux bandeaux noirs derrière lesquels fulgurait son ruban rouge (bordé de deux filets blancs) qui rehaussait la pâleur de sa figure. Le blanc de ses yeux était particulier. On eût dit qu’elle s’éveillait, qu’elle venait d’un autre monde,