Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/91

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Nous tournons brusquement à gauche. Y a-t-il un autre chemin vers la route ? Est-ce là la place du chemin fourchu d’Œdipe ? — Tombeau de Laïus, où es-tu ?

À midi moins le quart, nous arrivons au khan Gemino, près d’une petite fontaine où nous voyons un âne, une Anglaise à grand chapeau et en veste de tricot, deux Anglais et un Grec qui voyage avec eux et les exploite, selon Giorgi, lequel, monté sur un tas de matelas, fait du haut de son mulet la conversation avec nous. Comme nous sommes aux fêtes de Noël, le khan est fermé. — Déjeuner sur la fontaine, avec un maigre poulet et les re-éternels œufs durs du voyage. La pluie tombe. Nous saluons le Parnasse, en pensant à la rage que sa vue aurait excitée à un romantique de 1832, et nous repartons.

La pluie nous empêche, à vrai dire, de voir le pays jusqu’au village d’Arachova. De loin, en apercevant les murs blancs de ses maisons, j’ai cru que c’étaient des places de neige sur l’herbe. Le village est grand, situé sur un coteau, avancé à peu près dans la position de Zafed en Syrie. Après le village, champs de vignes ; en haut des carrés de vignes, sur les bords du chemin, des cuves en maçonnerie dont le fond très incliné se déverse, par une petite ouverture longitudinale, dans une sorte de petits puits d’où l’on retire le jus de la grappe.

La route a toujours été inclinant sur la droite, on a maintenant le Parnasse derrière soi, on l’a tourné ; bientôt, dans la perspective d’une ravine très profonde, entre les montagnes, on aperçoit un bout de mer. La ravine s’agrandit, on arrive