Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/393

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quelle eau de Jouvence se retrempera leur plume ? C’est ce que je me disais dans Saint-Sernin à Toulouse, me promenant sous sa belle nef romane ; catacombe de pierre où sont ensevelies de vieilles idées, nous n’avons pour elle qu’une vénération de curiosité et nous faisons craquer nos bottes vernies sur les dalles où dorment les saints. Eh ! pourquoi pas ? Que nous font les saints, à nous autres ? Nous étudions l’histoire du christianisme comme celle de l’islamisme et nous nous ennuyons de l’un et de l’autre. Nous sentons bien qu’il nous faut quelque chose que nous ne savons pas, mais ce n’est rien de ce qu’on nous offre. J’étais fatigué de l’église, quelque beau que soit son roman, j’étais assommé d’église et je le suis encore ; le curé nous dit qu’il y avait des reliques, je l’ai cru en homme bien élevé, et un mouvement de joie inconcevable m’a fait bondir le cœur quand il m’a dit que le vélin des missels avait fait des cartouches. Je rencontrais là au moins quelque chose de notre vie, de ma vie, de la colère brutale ; une passion au moins que nous comprenons, qu’un rien peut rallumer, tandis que pour la foi la niche même en est cassée en pièces dans notre cœur.

Qu’avais-je besoin d’aller à Saint-Sernin pour voir des arceaux romans dans le goût moresque, un vieux christ en bois doré qui m’a fait penser à Don Quichotte et qu’un autre jour j’aurais trouvé superbe ? Mais j’avais mal dormi et j’avais froid, et puis il y a des choses qu’on ne sent bien qu’en