Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/410

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pays divers, enfermés dans des cages devant la boutique, qui battaient leurs ailes au soleil. Pauvres bêtes, qui regrettaient leur pays, leur nid resté vide à 2,000 lieues d’ici dans de grands arbres, bien hauts. Si j’ai maudit les bains de Bordeaux, je bénis ceux de Marseille. Quand j’y fus, c’était le soir, au soleil couchant ; il y avait peu de monde, j’avais toute la mer pour moi. Le grand calme qu’il faisait est des plus agréables pour nager, et le flot vous berce tout doucement avec un grand charme. Quelquefois j’écartais les quatre membres et je restais suspendu sur l’eau sans rien faire, regardant le fond de la mer tout tapissé de varechs, d’herbes vertes qui se remuent lentement, suivant le roulis qui les agite lentement comme une brise. Le soleil n’avait plus de rayons, et son grand disque rouge s’enfonçait sous l’horizon des flots, leur donnant des teintes roses et rouge pourpre ; quand il s’est couché, tout est devenu noir, et le vent du soir a fait faire du bruit aux flots en les poussant un peu sur les rochers qui se trouvaient sur le rivage.

J’ai eu le même spectacle le lendemain en allant dîner au Prado. Nous nous sommes promenés en barque dans une petite rivière qui se jette là ; des touffes d’arbres retombent au milieu, mes rames s’engageaient dans les feuilles restées sur le courant… qui ne coule pas, exercice qui m’a préparé à recevoir l’excellent dîner que nous avons fait chez Courty, grâce aux ordres et à la bourse de M. Cauvierre.