Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/149

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la résolution de ne m’aimer que d’amitié mais l’amour entra dans son cœur malgré sa volonté. Je dois dire que la bizarrerie de nos positions respectives, le mystère dont j’étais enveloppée à ses yeux et la vive amitié que je lui témoignais concoururent à faire naître en lui un sentiment auquel il n’aurait peut-être pas été accessible dans une autre circonstance.

D’après le plan que je m’étais tracé, j’avais été obligée de mentir à M. Chabrié, et, en lui racontant très succinctement les événements de ma vie, je lui avais caché mon mariage. Cependant il avait fallu lui expliquer la naissance de ma fille. Oh ! que celui qui, pour sortir d’embarras, recourt à un premier mensonge, connaît mal la route sans issue dans laquelle il s’engage ! Il faut qu’il continue à mentir, et il ne peut sortir des inextricables sinuosités du ténébreux labyrinthe qu’en revenant, en définitive, à la vérité. Je m’étais vue forcée de dire à M. Chabrié que j’avais eu un enfant, quoique demoiselle : je lui dis que c’était là le secret motif auquel il fallait attribuer la répugnance que j’affichais pour le mariage.

Cette confidence eut pour résultat de me faire aimer encore davantage par M. Chabrié.