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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/150

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Son ame était trop grande et trop délicate pour ne pas comprendre avec une exquise sensibilité tout ce qu’il y a de malheur dans la position d’une jeune fille trompée et abandonnée lâchement par celui qui l’a séduite. Il commença par me plaindre et éprouva pour moi ce respect que commande une douleur vraie et sans remède. Mais, après m’avoir plainte, la passion qu’il ressentit lui fit naître la sublime pensée de faire un de ces actes de dévouement qui ne sont guère compris de nos jours et que même notre stupide société tourne en dérision parce qu’elle n’a de sens que pour ses intérêts matériels, et qu’il est plus facile à son égoïsme de ridiculiser l’abnégation que de l’imiter.

M. Chabrié conçut le projet de me rendre à la société dont il me voyait bannie en m’offrant la protection de son nom. À cette proposition faite avec une générosité au-dessus de tout éloge, je me sentis pénétrée pour lui de la reconnaissance la plus profonde, et en même temps je reculai d’épouvante à l’idée des conséquences que pouvait avoir le mensonge que j’avais été contrainte de faire.

Aussi, lorsque M. Chabrié m’offrit de m’épouser, je cachai ma tête dans mes mains, n’osant