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pureté et une élégance remarquables ; elle est aussi instruite qu’une religieuse peut l’être. Toutes les questions qu’elle m’adressa sur l’Europe me prouvèrent que la supérieure de Santa-Rosa s’était beaucoup occupée des événements politiques qui ont agité l’Espagne et le Pérou depuis vingt ans. Ses opinions en politique sont aussi exaltées qu’en religion, et son fanatisme religieux dépasse toutes les limites de la raison. Je rapporterai une de ses phrases qui, à elle seule, résume l’ordre d’idées de cette vieille religieuse. « Hélas ! ma chère enfant, me dit-elle, maintenant je suis trop vieille pour rien entreprendre, mon temps est fini ; mais, si je n’avais que trente ans, je partirais avec vous : j’irais à Madrid, et là, j’y perdrais ma fortune, mon illustre nom et ma vie, ou, par la mort de Jésus-Christ, là, en croix, je vous jure que je rétablirais la sainte inquisition. » Il est impossible d’avoir plus de feu dans le regard, d’énergie dans la voix et d’expression dans le geste, qu’elle n’en mit en étendant la main vers le Christ qui était au pied de son lit : sa conversation était toujours montée au même diapason. En parlant de Dominga, elle me dit : « Cette fille était possédée du démon ; je suis contente que le diable