Page:Florian - Fables, illustrations Adam, 1838.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ix
sur la florian.

stériles les efforts de ces talents de l’arrière-saison qui ne sont pas nés à propos. On peut hardiment avancer que, si La Fontaine n’eût pas existé, Florian jouirait d’une tout autre renommée poétique ; mais on est libre aussi de croire que, si La Fontaine n’eût pas existé, Florian n’aurait probablement jamais composé de fables.

Il n’est certainement pas question ici d’établir entre les Fables de La Fontaine et les Fables de Florian une comparaison impossible. Pour élever l’apologue naïf des enfants au rang des genres classiques, sous le règne de Louis XIV ; pour introduire dans le cadre simple et prosaïque d’Ésope, dans la composition polie, mais froide et sévère, de Phèdre, dans le quatrain sentencieux des gnomiques, la gaîté mordante de Martial, la grâce voluptueuse de Tibulle, la sensibilité rêveuse d’Ovide exilé, la philosophie si profonde et cependant si naturelle d’Horace ; pour y atteindre, chose étrange ! et comme en se jouant, à la hauteur des mystères de la philosophie et des machines de l’épopée, à la précision lumineuse de Descartes et à la magnificence d’Homère, il fallait être plus que Florian, il fallait être presque plus qu’un homme ; il fallait être La Fontaine.

Il faut rendre à Florian la justice de déclarer qu’il ne s’était pas dissimulé les dangers de cette concurrence ; il protesta même expressément contre l’intention de la tenter, dans son Essai sur la fable, morceau de littérature qui laisse désirer un peu plus d’érudition et de connaissance des modèles, mais non pas plus de grâce et de modestie. La génération actuelle lui a tenu compte de cette abnégation judicieuse, en lui donnant sans balancer la première place après La