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XXI
sur la fable.

comme l’Alouette et ses Petits avec le Maître d’un champ ; et le dénouement enfin, mis quelquefois en spectacle, comme dans le Loup devenu Berger, plus communément en simple récit.

« Cela posé, comme le fabuliste ne peut être aidé par de véritables acteurs, par le prestige du théâtre, et qu’il doit cependant me donner la comédie, il s’ensuit que son premier besoin, son talent le plus nécessaire, doit être celui de peindre ; car il faut qu’il montre aux regards ce théâtre, ces acteurs qui lui manquent ; il faut qu’il fasse lui-même ses décorations, ses habits ; que non-seulement il écrive ses rôles, mais qu’il les joue en les écrivant, et qu’il exprime à la fois les gestes, les attitudes, les mines, les jeux de visage, qui ajoutent tant à l’effet des scènes.

« Mais ce talent de peindre ne suffirait pas pour le genre de la fable s’il ne se trouvait réuni avec celui de conter gaîment, art difficile et peu commun ; car la gaîté que j’entends est à la fois celle de l’esprit et celle du caractère. C’est ce don, le plus désirable sans doute puisqu’il vient presque toujours de l’innocence, qui nous fait aimer des autres, parce que nous pouvons nous aimer nous-mêmes, change en plaisir toutes nos actions, et souvent tous nos devoirs ; nous délivre, sans nous donner la peine de l’attention, d’une foule de défauts pénibles, pour nous orner de mille qualités qui ne coûtent jamais d’efforts. Enfin, cette gaîté, selon moi, est la véritable philosophie, qui se contente de peu sans savoir que c’est un mérite, supporte avec résignation les maux inévitables de la vie sans avoir besoin de se dire que l’impatience n’y changerait rien, et sait encore faire le bonheur de ceux qui nous environnent du seul supplément de notre propre bonheur.

« Voilà la gaîté que je veux dans l’écrivain qui raconte ; elle entraîne avec elle le naturel, la grâce, la naïveté. Le talent de peindre, comme vous savez, comprend le mérite du style