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poëme.

— Ne craignez rien, dit l’ange, et suivez mes avis.
Ivres d’un fol amour que le Seigneur condamne,
Les amants de Sara brûlaient d’un feu profane.
Ils en furent punis ; mais vous, mon frère, vous,
Que la loi de Moïse a nommé son époux,
Dont le cœur, aux vertus formé dès votre enfance,
Épurera l’amour par la chaste innocence,
Vous obtiendrez Sara sans irriter le ciel. »

En prononçant ces mots ils sont chez Raguel.
Tous deux, les yeux baissés, demandent à l’entrée
Cette hospitalité des Hébreux révérée.
Raguel, à leur voix empressé d’accourir,
Rend grâce aux voyageurs qui l’ont daigné choisir ;
Mais, fixant sur l’un d’eux une vue attentive,
Il reconnaît les traits du vieillard de Ninive ;
Quelques pleurs aussitôt s’échappent de ses yeux.
« Seriez-vous, leur dit-il, du nombre des Hébreux
Que le vainqueur retient dans les champs d’Assyrie ?
— Oui, répond l’ange. — Ainsi vous connaissez Tobie ?
— Qui de nous a souffert et ne le connaît pas ?
— Ah ! parlez ! avons-nous à pleurer son trépas,
Ou le Seigneur, touché de nos longues misères,
L’a-t-il laissé vivant pour exemple à nos frères ?
— Il respire, dit l’ange, et vous voyez son fils.
— Ô jour trois fois heureux ! Enfant que je bénis,
Viens, accours dans mon sein ; que Raguel embrasse
Le digne rejeton d’une si sainte race !