Page:Fontanes - Œuvres, tome 1.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
ŒUVRES DE FONTANES.

Autour de ces remparts que le temps a détruits,
Rendaient harmonieux le silence des nuits.

 Maintenant, tout s’y tait. Je regarde, j’écoute ;
Je m’avance à pas lents sous cette obscure voûte ;
Je n’entends que la main du vieillard destructeur
Qui des murs sourdement abaisse la hauteur,
Les mine, les ébranle, en détache la pierre,
Et verdit leur front noir sous les touffes du lierre.
Où sont les enchanteurs, et les tournois guerriers ?
Les troubadours plaintifs, les ardents chevaliers ?
Non, rien n’a survécu de ces temps héroïques,
Hors quelques vieux échos errants sous ces portiques
Résonnant dans le creux des murailles, des tours,
Ou du noir souterrain parcourant les détours,
Et qui semblent charmés, au fond de leur retraite,
De s’éveiller encore à la voix d’un poète.
Hélas ! que de grands noms ici sont oubliés !
Les héros ne sont plus, et le pâtre à ses pieds
Foule indifféremment leur illustre poussière ;
Des restes de leur tombe il bâtit sa charnière.
Comme tout a changé ! Que mon œil est surpris
Du contraste des temps, des mœurs et des esprits !

 Je l’avouerai ; ces jours d’héroïque mémoire,
Où la chevalerie illustra notre histoire,
Mêlaient à leur grandeur de tristes préjugés.
Alors d’indignes fers les champs étaient chargés,
L’oisiveté superbe outrageait l’industrie,
Et le soc bienfaiteur vit sa gloire flétrie.