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LA GRÈCE SAUVÉE.

Courbé sur la victime, il parcourt avec crainte
Des veines et du cœur le secret labyrinthe,
Et consulte avec soin leurs mourantes couleurs.
Du front de la génisse il arrache des fleurs
Qu’une Thessalienne, aux rayons de Diane,
Cueillit sur les rochers, loin des yeux du profane.
Il les prend, les consacre en ses sanglantes mains,
Et seul, dans un langage inconnu des humains,
Sur des pavots chargés de vapeurs léthargiques,
Murmure sourdement des paroles magiques,
Des noms mystérieux qui jusqu’aux sombres bords
Parviennent sur la tombe à l’oreille des morts.
Les morts que Marathon vit tomber dans ses plaines
Entendent le pontife, et leurs voix souterraines
Vers lui, du noir séjour, commencent monter ;
Seul il peut les comprendre et seul les répéter.
Tout se tait : il leur prête une oreille attentive.
Des Persans immolés gémit l’ombre plaintive,
Et craignant de revoir la clarté du soleil,
Ils maudissent la voix qui troubla leur sommeil ;
Mais les mânes des Grecs à leurs fils applaudissent,
Et d’un chant triomphal leurs tombes retentissent.
Vers le peuple, à l’instant, l’interprète des Cieux
Se tourne : un feu céleste éclate dans ses yeux.
Il parle : l’avenir par sa bouche s’annonce,
Et des morts aux vivants il porte la réponse.
« Oh ! que de sang rougit et la terre et les mers
« Dit-il ! Eh ! quoi ? Pallas, tu fuis tes murs déserts,
« Hâte-toi sur les eaux d’en venger la ruine !
« Salut, île d’Ajax ! heureuse Salamine !