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SOUVENIRS

duisait vers la ville, magnifique avenue de trois autres temples qui couvrent aussi de leurs débris une colline assez élevée. Souvent la tempête déblaie les sables qui ont envahi les ports de Sélinonte, et laisse voir encore pour quelques instans les quais, des colonnes, des anneaux, tristes vestiges que la fureur des vagues cache ensuite de nouveau sous un gravier mobile. Une tour de garde[1] est à présent l’unique demeure habitée. L’échelle, qu’on enlève la nuit de peur des corsaires, me servit à grimper dans ce triste séjour, où me conduisait la soif. Deux vieux hommes occupaient trois ou quatre chambres noires et lézardées ; l’un d’eux, qui se donna pour artilleur, était presque aveugle. Sa fille ne put nous offrir que de l’eau saumâtre. Cette jeune femme, qui allaitait un enfant, était belle malgré le mauvais état de son vêtement pittoresque ; la misère n’y pouvait rien. Lorsque la seule habitante de Sélinonte descendit et alla s’asseoir sur un tronçon de colonne, elle me semblait personnifier cette pauvre ville grecque,

  1. Ce lieu est appelé à présent Torre de’ Pulici ; on croit que ce nom lui vient du nom de Pollux.