Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/30

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rapprochées l’une de l’autre. — Bien des endroits du fauteuil étaient couverts de poussière, tandis qu’ailleurs tout reluisait, frotté, ciré, presque usé par les corps qui semblaient en prendre souvent possession.

Le fauteuil faisait face à la lampe qui pendait à peu de distance de la terre et de lui.

Outre l’écoulement de l’eau en dehors, on entendait au-dedans du pavillon quelque chose qui frémissait dans tous ses coins ; — et quand le regard de la lune en éclairait quelques-uns, l’œil distinguait des objets semblables à de larges taches d’encre bien noire, auxquelles le hasard fait des pattes, sur la blancheur d’un papier ; des objets marchant, s’arrêtant, puis remuant de nouveau, et marquant sous eux des traînées à reflets comme ceux que lancent des ailes de cigales en joie, ou des bulles de savon au soleil, ou des écailles de poisson vues à certain point de jour ; — un clan d’araignées en famille, avec son trousseau de toile, désespoir des mouches et secours des doigts coupés. L’araignée se pavanait, là, d’indépendance, n’ayant point à redouter ni les cris d’enfant et de femme qui décèlent sa présence, ni alors l’époussette du valet qui l’étourdit, ni les semelles de souliers ou de pantoufles qui l’écrasent, ni encore la langue d’une bougie qui la brûle. — L’araignée vivait là, en toute sécurité dans son domaine poudreux. Le ver luisant ne devait pas revêtir pour elle sa nuance d’étrange destin, sa nuance jaune. L’araignée se filait un bonheur de soie, doux, uniforme, de tous les jours, de toutes les heures, de chaque minute, de chaque seconde, de chaque tierce.

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