Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/8

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Enfin le moment qui devait les remettre en place arriva, et les hommes en chairs et en os dirent adieu aux hommes en livres.

Voici venir une nuit sombre, avec un roulement infernal précédé d’éclairs, tantôt bleuâtres, tantôt sanglants.

Rien qu’un bruit affreux, rien qu’un feu brûlant l’air, rien qu’une pluie fouettante, rien qu’une obscurité profonde sinon les éclairs.

Pas un nuage blanc, pas une étoile, pas un rayon de lune.

Alors dans une grande salle que les hommes en chairs venaient de quitter, il y eut fête. Les lustres pendaient du ciel par éclats, le tambour battait sans cesse aussi au ciel, et il y avait sur la terre comme un fifre sous les doigts du vent.

Ces lustres, ce tambour, ce fifre, entrèrent dans les yeux et les oreilles de tous ces grands hommes debout sur les planches, — fixes sous leurs habits de cuir, ou de papier, ou de carton ; au point qu’ils tressaillirent, se remuèrent, se changèrent, et leurs soupirs commençaient à parcourir l’espace de la grande salle voûtée.

Ils n’osaient point encore parler.

Cependant l’un d’eux, Young, sauta le premier de son dernier rayon sur la pierre, alla prendre Byron par la main, et tous deux s’assirent, pâles, se montrant, à chacun, leur beau front.

Young laissa tomber de ses lèvres ces paroles :

— Eh bien, Byron, voilà une belle nuit, toute d’orage, toute de voix de tombes et de spectres.

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