Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/9

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Entendez-vous les vitres qui craquent, la pluie qui coule ? N’est-ce pas, que c’est beau ?

— Oui, dit Byron, souvent j’ai eu l’âme égale à ce bouleversement, lorsque j’écrivais.

— Souvent moi, reprend Young, je me suis assis sur des côtes décharnées, et encore, encore en charpente ; j’ai versé du sang dans un crâne, taillé un os de main pour écrire, essuyé cet os dans une chevelure morte. Un jour, un soir, une nuit, il m’arriva d’être trop lourd, et le squelette qui me portait se brisa. Alors, mon corps se mit dans son ventre, et ses côtes se rassemblèrent sur mon estomac, après leur cassure, comme des ressorts qui cèdent, comme un trébuchet qui prend. Le crâne coiffa mon crâne, l’encre rouge trempa mon visage, et ma plume se perdit. Je voulus demeurer quatre jours enfermé dans cette espèce de cage, avec la calotte sur ma tête et les taches à ma figure. On me trouva un autre os. Je fis fermer toutes mes fenêtres pendant ces quatre jours ; une lampe, recouverte d’un verre pourpre, flamba sans cesse dans ma chambre, et je traçai ma douzième nuit.

— Et si vous m’aviez vu, dit Byron, écrivant Oscar d’Alva, je crois, ou Une larme, vous auriez frémi. J’étais sur une langue de rocher baisant le vide, glissante et tordue comme un serpent. Mes pieds regardaient un abîme n’ayant pas plus de fond qu’il y a de fin au ciel. Alors une génisse poursuivie par un bœuf y tomba. J’écoutai, je n’entendis rien. Pourtant, je m’avançai un peu et penchai ma tête ; mais toujours aucun son ne me frappa.

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