Page:Fouillée - Nietzsche et l’immoralisme, 2e éd., 1902.djvu/206

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CHAPITRE PREMIER


l’idéal chrétien.



Jésus est mort trop tôt, enseigne Zarathoustra :

En vérité, il mourut trop tôt, cet Hébreu qu’honorent les prédicateurs de la mort lente. Et, pour beaucoup, depuis, ce fut une fatalité qu’il soit mort trop tôt.

Il ne connaissait encore que les larmes et la mélancolie de l’Hébreu ainsi que les haines des Bons et des Justes, l’Hébreu Jésus : et voici que le désir de la mort le saisit à l’improviste.

Que n’est-il resté au désert, loin des Bons et des Justes ? Peut-être aurait-il appris à vivre et à aimer la terre — et puis aussi le rire !

Croyez-moi, mes frères ! Il mourut trop tôt ; lui-même aurait rétracté sa doctrine, s’il avait vécu jusqu’à mon âge ! Il était assez noble pour se rétracter.

Mais il était mal mûr encore…

Opposer le Christ au christianisme, montrer dans la religion chrétienne et surtout catholique une altération de la vraie doctrine évangélique et dans les évangiles eux-mêmes un commencement d’altération du vrai Jésus, ce n’est sans doute pas chose nouvelle ; mais qui a mieux saisi et rendu la physionomie du Christ que l’antichrétien Nietzsche ? « Ce n’est pas, dit-il, sa foi qui distingue le chrétien » — entendez le vrai disciple du Christ ; — « le chrétien agit, il se distingue par une manière d’agir différente. Il ne résiste à celui qui est méchant envers lui ni par des paroles, ni dans son cœur. Il ne fait pas de différence entre les étrangers et les