Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/11

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si ce n’est pour en faire usage et exercer notre intelligence critique sur tous les problèmes du mouvement et de la création ? Je prouverai, dans cet ouvrage, que la création du serpent à sonnettes fait horreur à Dieu, et qu’il a fallu pour l’y déterminer des raisons de grand poids que je ferai connaître.

Que les superstitieux aient entravé cette étude, cela ne surprend pas ; mais que des gens qui se disent esprits forts, distributeurs de lumières, investigateurs de la nature, aient découragé l’étude du mouvement et de l’attraction au moment même où Newton ouvrait la carrière, et se soient accolés aux superstitieux pour accréditer les préventions d’impénétrabilité, voilà ce qui met la cabale philosophique fort au-dessous de la superstition qu’elle combat, et qui du moins a le mérite de remplir sa tâche en répandant l’obscurantisme. Quant aux prétendus flambeaux de lumières, ils n’ont d’habileté que pour escobarder sur toutes les questions relatives à la destinée sociale ; ils ont senti que les misères du genre humain conduisaient à opter entre les deux partis : accuser Dieu d’imprévoyance ou bien accuser la raison d’impéritie dans la recherche des vues de Dieu. Des hommes justes auraient discuté sur cette alternative ; mais pour éviter d’examiner les torts de la raison humaine, les philosophes ont pris le parti de renier Dieu.

Loin que Dieu s’offense de nos doutes et de nos critiques sur ses opérations, il y applaudit comme un vieux géomètre applaudit aux doutes de l’élève et le stimule à vérifier les opérations dont le résultat paraît inconcevable au premier abord. Il en est de même de Dieu qui, loin d’exiger de nous une foi aveugle, désire, au contraire, que nous soumettions au doute ses opérations dont une critique régulière mettra en évidence la justice.

L’amour exalté pour Dieu, la vivacité de foi et d’espérance étaient la meilleure boussole qui pouvaient nous guider dans la recherche du calcul des destinées. Les hommes ont erré en système religieux comme en toute autre chose. Les faits le prouvent assez ; il faut que la politique religieuse ait été bien absurde pour avoir, au bout de trente siècles, amené les nations éclairées à la plus honteuse dégradation, à l’irréligion graduée, l’outrage public à la divinité chez les savants, l’hypocrisie religieuse chez les grands, l’indifférence chez le vulgaire. Apparemment le système religieux qui a produit ce résultat recèle quelque vice grossier qu’il faut examiner.

Il n’a produit qu’une fausse piété, la crainte de Dieu substituée à l’amour, crainte qui est devenue le germe de l’irréligion, car on en vient bien vite à ne plus aimer ceux qu’il faut craindre.


En considérant les ferments de révolution qui existent en Europe,