Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/20

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jeunes gens, et, forte de leur suffrage, elle a facilement miné le catholicisme. Je tiens que le plus grand affront du monde (politiquement parlant) c’est de se laisser battre par les philosophes, secte si faible qu’un enfant peut les [xxxxxxxxxxx] en employant contre eux la raison dont ils empruntent le masque sans en avoir les armes. Poursuivons sur l’analyse de cette lutte.

Dépourvue de l’appui des jeunes gens, la religion n’est plus qu’un colosse aux pieds d’argile. En vain se rallie-t-elle aux intrigants, aux pauvres d’esprit, aux coquettes surannées, toute cette milice est impuissante pour atteindre le but, qui est de faire aimer et non pas craindre Dieu. Or, ce lien d’amour divin doit se former dans l’adolescence. Il faut pour l’élever à la plus grande force, qu’il soit lien composé ou produit par double ressort ; qu’il combine les prestiges de l’enfance avec les prestiges de l’adolescence. Le culte de Vénus atteignait merveilleusement ce but. Aussi la religion mythologique n’avait-elle besoin d’aucune critique pour se faire aimer. Son système, sa manœuvre, étaient judicieux, par hasard. La victoire lui était si facile, qu’elle ne craignait aucun ennemi, et elle poussait à l’excès la tolérance, au point d’être sans défiance sur des intrigues qui à la fin la renversèrent parce qu’elle ne sut pas se prêter aux changements de phase et à l’esprit inquiet de civilisation qui exigent périodiquement des innovations en culte comme en législation.

Le christianisme a péché par une marche contraire à celle de la mythologie. Il s’est épouvanté mal à propos des agressions des philosophes qu’il était si aisé de battre en prenant l’offensive, en les attaquant sur les théorèmes de raison dont ils se fondaient sans en avoir seulement l’ombre. Au lieu de suivre cette manœuvre, le christianisme a tenu la défensive avec un mauvais ordre de bataille : il a été rompu du premier choc. Il a dans cette affaire manœuvré comme les Autrichiens à Decenzano. Une de leurs fortes divisions cernait Bonaparte isolé avec douze cents hommes contre cinq mille ; il fit semblant d’avoir une grande armée, et somma les Autrichiens de se rendre : ils se rendirent, ils auraient dû lui répondre : Si vous avez une grande armée, nous la verrons en ligne, et nous nous mesurerons avec elle avant de nous rendre. Telle est la marche qu’aurait dû suivre le christianisme en luttant contre le fatras de raison qu’étalaient les philosophes. On devait les forcer à déployer leurs forces, les attaquer pièce à pièce par tous les arguments sur les trois attributions de Dieu que j’ai exposés dans cette section, et l’on aurait vu les jongleurs philosophes passer du rôle d’agresseurs à celui de vaincus.

Aujourd’hui la bataille est perdue, puisque le christianisme a essuyé la perte des biens temporels, de la foi des peuples et de tout ce qui cons-