Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/25

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administratif et religieux, à mesure que l’industrie se perfectionne par les progrès du luxe et des lumières ; car, plus les nations sont policées et instruites, plus elles répugnent à ces cruautés. Leur hypothèse oblige donc la religion à adopter le système de l’obscurantisme ou opposition au progrès des lumières. C’est le parti qu’elle a pris, et je prouverai que sans le dogme de l’enfer, elle eût été dispensée de recourir à l’obscurantisme ; que les philosophes n’auraient pu attaquer la religion sur aucun des autres points ; que leurs facéties sur les mystères et les miracles n’auraient eu aucun succès ; mais le système de l’enfer ayant donné prise au ridicule et suscité la haine, il en est résulté le persifflage successif des diverses branches du système religieux.

Les atrocités spéculatives ne sont plus de saison : autres temps, autres mœurs.


Démontrons par quelques exemples récents l’inutilité absurde de ce dogme. La nation française vient d’en fournir une preuve bien frappante. C’est pendant la suppression de l’enfer qu’elle a porté au plus haut degré les trois qualités qui constituent la perfection administrative, savoir :

Extrême soumission au gouvernement ;

Progrès rapides et gigantesques en industrie ;

Excès de bravoure et de dévouement dans les combats. A-t-on jamais vu une nation réunir ces trois qualités plus éminemment que les Français sous le règne de l’Usurpateur, qui pourtant ne les guidait point par la terreur des brasiers infernaux ? L’enfer n’était nullement en crédit à cette époque. Cependant, l’obéissance des peuples était sans bornes et trop aveugle, car ils auraient dû se révolter contre les conscriptions et extorsions continuelles. Leur industrie faisait des progrès colossals, leur bravoure était incomparable. On avait donc pleinement atteint les trois buts d’un gouvernement sans entremettre ni l’enfer ni le purgatoire, dont les paysans, les enfants même haussaient les épaules à cette époque. N’est-il pas évident, d’après ce résultat, que l’enfer, considéré comme ressort administratif, est la ressource des ignorants et des hommes faibles qui se laissent maîtriser et que tout gouvernement intelligent doit dédaigner les deux excès, éviter l’emploi des terreurs superstitieuses, aussi inutiles, aussi dangereuses que les illusions philosophiques, en ce que les uns et les autres préparent l’asservissement de toute administration qui a recours à elles.

Une erreur choquante des modernes en politique religieuse, c’est de croire un système bon quand il tend à comprimer les peuples, et rend la Civilisation stationnaire et déclinante, comme en Espagne. C’est une croyance d’autant plus illusoire, que l’industrie civilisée