Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/24

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que les philosophes, habiles à prendre tous les masques, ne trouvent quelque nouveau moyen d’attaquer l’autel, et par suite le trône.

Mais je n’ai que faire de toutes ces ruses oratoires. Je ne m’intéresse à aucune classe de civilisés collectivement, parce que, dans les meilleures, on trouvera encore les sept huitièmes de mauvais pour un huitième de bon. Dès lors peu m’importe qu’ils retombent dans les révolutions où je les vois courir à grands pas. Il est même à souhaiter pour eux qu’ils soient prochainement affligés de nouvelles tourmentes. Elles serviront à les désabuser de leur engouement pour l’infâme Civilisation et les perfectibiliseurs. Ainsi l’avis que je vais leur donner sur des dangers futurs n’est point un effet de zèle pour eux, qui ne m’inspirent collectivement que du mépris.

Je ne considère pas des êtres pétris de fourberie, des civilisés, barbares et sauvages, comme espèce humaine, mais seulement comme embryons de la véritable humanité, qui regardera les races mensongères et insociétaires comme espèces dégradées. En conséquence, les avis salutaires que je vais donner sur les dangers de la religion comme sur toute autre branche du mouvement, ne tiennent pas à servir la Civilisation, mais à délivrer le globe de la Civilisation, en indiquant et recommandant les divers moyens d’issue, entre autres le système attractif dans toutes ses branches.

Les nations qui transigent sur les peines infernales ont-elles été moins braves, moins industrieuses, moins bien gouvernées que celles qui sont mues par les terreurs des brasiers ? Pour décider cette question, procédons du simple au composé, et jugeons d’abord par l’individu.

Confierait-on un trésor à celui qui avouerait incliner au vol, et n’avoir d’autre frein que la terreur de l’enfer, et si l’on essayait de supprimer les sbires, tribunaux, gibets et clôture dans le pays le plus fanatisé comme l’Espagne, peut-on douter qu’il y aurait le lendemain, sur cent pauvres, quatre-vingt-dix-neuf voleurs, en dépit des brasiers de l’enfer, auxquels croit pourtant la populace espagnole ?

A-t-on vu de sectaires plus dévoués que ceux du fameux pontife d’Abyssinie, dit Prêtre-Jean, qui élevait des séides pour faire assassiner les rois ses voisins ? Ce n’était point par la terreur des supplices éternels, mais par la promesse et l’avant-goût des délices futures qu’il les envoyait à une mort certaine. Or, si les dogmes voluptueux sont assez puissants pour obtenir d’un néophyte le plus grand des sacrifices, celui de la vie, quelle ignorance, quelle rage malfaisante de recourir aux dogmes de terreur pour obtenir par la crainte ce que l’amour cimenterait !

Outre l’inutilité, ces dogmes ont l’inconvénient de relâcher le lien