Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/29

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et à toutes les critiques philosophiques et irréligieuses qui déshonorent le XVIIIe siècle.

Des ordures scientifiques, telles que le Dictionnaire d’athées, n’auraient pas pu se produire dans l’antiquité, personne ne les eût admises, parce que les dieux de cette époque étaient aimés. Aussi les Anitus et toute l’engeance des calomniateurs accusaient-ils d’impiété un homme qu’ils voulaient perdre. Un pareil reproche le rendait odieux à la nation entière, parce que la nation aimait Dieu, et les magistrats condamnaient un impie pour se populariser, pour plaire à la bonne compagnie comme au peuple. Athènes était pourtant un pays où le peuple était plus éclairé et plus poli que celui de Paris. Fâcheux parallèle pour notre siècle ! Alors c’était par la piété, l’esprit religieux et le culte des dieux qu’on arrivait à la faveur générale : aujourd’hui c’est par le mépris secret du dogme religieux qu’on se distingue et se recommande à l’opinion.

D’où vient ce contraste ? De ce que dans l’âge moderne on a tellement ravalé la divinité, et que les inventeurs d’enfer ont fait de Dieu un bourreau si implacable, que le sentiment de l’homme parvenu à l’âge de raison est de se révolter contre un Dieu atroce qui condamne aux tortures éternelles six cent millions de sauvages et de barbares pour ignorance d’une religion dont on ne leur a pas même fait savoir l’existence. La civilisation moderne attribue à Dieu des cruautés pires que celles du féroce dieu des Mexicains, car les victimes qu’on immolait à ce dernier n’étaient torturées que pendant un jour ; mais le Dieu des chrétiens se plaît à plonger pour l’éternité une jeune fille dans une fournaise remplie de vipères et de démons, parce que cette ingénue aura cédé un instant à l’amour dont l’impulsion lui fut donnée par ce Dieu même qui est distributeur de l’attraction.

Autre fureur non moins révoltante ! Lorsqu’à force d’austérités, un pénitent est admis au nombre des élus, il faut qu’au préalable, il aille passer des années, des siècles même dans l’horrible fournaise du purgatoire, et pour prix de ses bonnes œuvres, y endure sur les grils et brasiers des tourments dont la durée pendant une heure seulement serait le plus affreux supplice qu’on pût infliger aux grands criminels. Ces supplices dont une seule minute épouvante déjà les imaginations, Dieu les fera endurer pendant des siècles à ceux qui auront pendant leur vie renoncé à tous les plaisirs pour lui plaire. Peut-on pousser plus loin l’ingratitude, la persécution et la rage, et l’on donne à un tel Dieu le titre de Dieu de paix ! Cette dérision l’assimile à ce cruel roi de Suède, qui condamna le général Patkul à être rompu à seize coups de barre pour des fautes pardonnables en politique. Le juge qui lisait la sentence ajouta : « Telle est la volonté du roi très-clément