Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/37

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tion générale. Cet espoir aurait produit l’effet d’une force d’élan qui double la force originelle ; fort d’un tel véhicule, l’esprit humain aurait bravé tous les préjugés qui interdisent les calculs de l’attraction, de l’association, etc. À force de fureter, on aurait atteint en tout ou en partie au calcul des destinées par quelqu’une des voies indiquées précédemment.

Si l’espérance en Dieu est déjà un ressort assez puissant pour nous familiariser avec la perspective d’un immense bonheur en l’autre monde et nous faire passer sur les invraisemblances de cette promesse, que serait-il arrivé dans le cas où l’on aurait doublé l’intensité de ce ressort, excité autant d’espérance sur les biens de ce monde qu’on en a excité sur ceux de l’autre ? Alors la multitude, excitée par le violent appât des richesses, aurait porté confiance à la découverte d’un nouvel ordre social, en retour du bonheur perdu depuis le paradis terrestre. Sans s’arrêter aux invraisemblances, bien grandes quand on ignore le calcul de l’attraction, chacun aurait entrepris des études fondées sur cette croyance. L’espérance en Dieu et la perspective des richesses l’auraient emporté sur tous les prestiges d’impossibilité et d’impénétrabilité que répand la couarderie philosophique.

L’esprit humain aurait d’autant mieux réussi dans ces tentatives qu’il avait, outre le calcul d’attraction, 12 voies d’acheminement indirectes, dont 5 fortuites et 7 méthodiques, ainsi qu’on le verra plus tard.

L’espérance en Dieu est donc une boussole qui a manqué aux modernes dans leurs études. Pour familiariser l’esprit humain avec le calcul des délices de l’Harmonie, il faut l’étayer d’une force nouvelle, qui est la vive espérance en Dieu, en sa générosité sans bornes, la ferme persuasion de son intervention future ; il faut se persuader, comme Socrate, que la lumière ou révélation divine devait se manifester un jour, qu’elle n’a été retardée que par l’impéritie des sciences, que les vues d’un Dieu juste et magnanime sont incompatibles avec cette Civilisation, qui n’est en tous sens qu’un enfer anticipé, et que Dieu, au sortir de cette lymbe sociale, devra nous donner dès cette vie tous les biens que nous avons cru réservés à l’autre.

Loin de là, les hommes n’ont fait que déchoir en espérance. Au lieu de s’élever du simple au composé, ils ont déchu du simple au vide et ont perdu l’attente du bonheur futur, sans compter pour cela sur le présent dont les peuples doivent désespérer plus que jamais dans l’état actuel de la Civilisation.


Sans entrer dans la querelle des deux sciences, la philosophie et la superstition, je me borne à les envisager sous le rapport des obstacles qu’elles apportent à la découverte du code divin.