Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/39

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et la philosophie. Les orages que leur lutte vient d’exciter, orages précurseurs d’autres tourmentes, devraient faire sentir la nécessité de recourir enfin à de nouvelles sciences, à quelque guide plus sûr que ces deux syrènes, qui depuis 3000 ans précipitent l’humanité d’abîmes en abîmes.


De la charité.


La religion n’était-elle pas dans le vrai sens de la Charité et de la philanthropie, quand tous les peuples honoraient leurs dieux respectifs jusque dans l’état de guerre ? Autrefois en assiégeant une ville même barbare, on débutait par un acte de civilité religieuse, un sacrifice aux dieux de cette forteresse, pour leur déclarer qu’en attaquant les habitants on respectait les dieux quels qu’ils fussent. Aujourd’hui les civilisés, même en pleine paix, s’accablent d’imprécations superstitieuses jusque dans les pays qui se vantent de tolérance. Le roi d’Angleterre veut plonger dans les enfers les trois quarts des Européens qu’il appelle damnés, chiens de catholiques. Il fait brûler chaque année à Londres l’effigie du pape, son allié, et plût à Dieu qu’il se bornât à damner les Irlandais, ses sujets, sans les persécuter dès ce monde.

L’animosité est la même entre les nations et les sociétés. La Terre ne présente que des empires acharnés à se damner entre eux ; des chrétiens qui se damnent entre eux, de secte à secte, car les catholiques damnent tous les protestants ; des mahométans qui se damnent entre eux, car la secte d’Omar damne la secte d’Ali ; puis des religions qui se damnent collectivement et respectivement, car les chrétiens damnent indistinctement tous les mahométans, qui en revanche damnent cordialement tous les chiens de chrétiens.

Chiens, expression d’usage à Maroc et à Londres, sauf qu’à Maroc et Alger on dit « chiens de chrétiens », tandis qu’à Londres on dit « chiens de catholiques, chiens de Français… » Un tel esprit vaut-il les maximes tolérantes et charitables que l’Antiquité professait dans une religion toute gracieuse et d’autant mieux accordée aux convenances, qu’en traitant avec des civilisés, gens collectivement absurdes, elle leur présentait fort sagement ses dogmes absurdes sans être atroces ?

Qu’on mette en usage des hypothèses bizarres comme la transsubstantiation et la consubstantialité, il n’y a rien là qui puisse affaiblir l’amour de Dieu, au contraire ! Le peuple civilisé et barbare aime les choses inconcevables, mystères, miracles, etc., et les classes supérieures, surtout les femmes, n’y répugnent pas, pourvu qu’il n’y ait pas d’atrocités ni de supplices en perspective. Aussi rien ne constate mieux l’ineptie des philosophes que d’avoir établi coup sur coup les deux reli-