Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/43

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mera ce titre, en le plaçant fort au-dessous des âges savants de l’antiquité, qui avec des moyens si inférieurs nous surpassait si bien en judiciaire comme en génie.

Faut-il s’étonner de tant de perversité dans l’âge moderne ? La malheureuse humanité se croit abandonnée par Dieu. Effrayée à l’aspect de la misère toujours croissante, elle se lasse d’implorer un Dieu qui ne vient pas à son secours. Deux empiriques lui offrent un appui ; ce sont la superstition et la philosophie, et quand l’une par son enfer est parvenue à faire redouter et haïr Dieu, faut-il s’étonner que l’autre parvienne à le faire renier, et que le siècle poussé ainsi d’abîme en abîme n’attende plus de la science que de nouvelles charlataneries, désespère de tout moyen de salut et insulte à l’heureuse découverte qui lui ouvre enfin le livre des décrets divins et l’issue de la lymbe civilisée ?


Nations modernes, vous vous plaignez à juste titre de la stérilité et de la dépravation du génie. Vos politiques n’enfantent que des conceptions désastreuses. Vos artistes semblent avoir perdu l’héritage du feu sacré. Tout dans les sociétés modernes porte l’empreinte d’une nature déclinante qui se traîne péniblement et ne marche qu’à force d’appuis et de ressorts factices. Les Européens n’ont rien de ce génie d’inspiration qui se trouvait chez les anciens. Ils manquent de ce caractère grandiose qui fait pressentir et envahir une nouvelle carrière. Intimidés par les assauts des zoïles, perclus par la crainte des ridicules, ils s’occupent moins d’atteindre les lauriers que de surmonter les épines. Ils ne sont plus les amants de la gloire, mais seulement les poursuivants de la faveur ; et pour me servir des expressions de l’un de nos poètes, on ne retrouve plus dans les génies modernes

xxxxxxxxxxxxxxxxxCes traits de vive flamme,

Et ces ailes de feu qui ravissent une âme

Au céleste séjour.

Je n’ai garde de méconnaître les services des illustres modernes, mais je ne veux pas, selon l’usage français, donner dans les excès d’apologie et de détraction. Classons chaque genre de gloire, et sans contester sur l’honneur dû aux travaux opiniâtres des modernes, avouons qu’ils manquent tous de cet esprit créateur qui sait fouler les préjugés, marcher d’inspiration aux découvertes réputées impossibles, franchir brusquement les obstacles et

Ravir au Destin ses augustes secrets.

Lorsqu’on voit le mendiant Homère créer d’inspiration l’Épopée, en double monument ; quand on voit les types du vrai beau devinés comme par magie et fixés irrévocablement par une peuplade novice de la