Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/9

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et que celui qui prendrait pour règle de croire constamment tout le contraire des apparences morales des civilisés, serait celui qui porterait sur eux les jugements les plus vrais.


L’irréligion est vice général chez les modernes ; elle a gangrené toutes les classes supérieures. Elle règne chez ceux-là même qui par intérêt personnel font parade d’un esprit religieux qui n’est point dans leur âme. Quelques sophistes célèbres, comme J.-J. Rousseau, ont évité ce travers, mais ce sont des jongleurs qui soutenaient le pour et le contre. Il avoue lui-même au sujet d’un discours couronné par l’Académie de Dijon qu’il fut sur le point de soutenir et traiter l’opinion contraire. Quel fonds peut-on faire sur les opinions de pareils hommes ? Je ne compte pas non plus pour champions de la religion ceux qui lui devaient de riches dotations, des cent mille francs de rente. Chacun serait religieux à ce prix. Quant à la classe vraiment neutre dans ce débat, il est certain que son esprit dominant est l’irréligion, et il est tout-à-fait scandaleux que trois mille ans de lumière aient amené ce résultat.

Ceux qui ont attribué à Dieu le système des atrocités infernales étaient-ils des hommes judicieux ? Ils ont fait haïr la divinité, ils ont déconsidéré la religion et frayé la route à l’impiété, aux sectes d’athéisme et à toutes les intrigues anti-religieuses.


La première tendance de l’homme parvenu à l’âge de raison est de se révolter contre des dogmes qui plongent dans les brasiers éternels des milliards de barbares et sauvages qui n’ont fait d’autre mal à Dieu que d’ignorer une religion qu’il ne leur a pas fait enseigner. C’est prêter à Dieu des cruautés dont rougiraient des cannibales, car ils ne font souffrir leurs ennemis que pendant une journée. Comment un siècle peut-il prendre des idées saines sur Dieu, quand les prêtres qui sont la milice divine déshonorent ainsi leur chef ? Faut-il s’étonner après cela que l’humanité, révoltée par cette férocité du Dieu moderne, donne dans les duperies de l’athéisme ?

Maintenant les chefs du culte sentent les inconséquences de pareils dogmes et voudraient les modifier ; mais il est trop tard, le mal est fait. Le bel âge des études, le XVIIIe siècle, a repoussé le guide naturel, l’esprit religieux qui l’aurait mené au but. Les railleries sur la divinité ont occupé le temps qu’on pouvait occuper utilement à des dissertations sur les devoirs et attributs de Dieu. La faute en est à ceux qui ont exposé la divinité au dédain par l’excès des absurdités et atrocités qu’ils lui ont prêtées.