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MON ENCRIER

C’est ce que j’ai fait. Confrère, j’ai repris votre livre et j’ai voulu le relire. Consciencieusement et sinon sans prévention, du moins sans parti pris, — non dans le mesquin espoir de vous y prendre en « prévarication d’écriture » (comme vous dites), mais bien uniquement pour y chercher une réponse à la question qui me poursuivait, — j’ai voulu le relire. J’ai voulu savoir comment, par la pratique de vos méthodes, un homme naturellement intelligent, après vingt années d’application constante et d’efforts tuants, peut en arriver, chez nous, à écrire le français, à comprendre le français, à se figurer, enfin, le français ; quel sens il en possède, quelle conception il se fait enfin, du bon langage.

J’ose dire que maintenant je le sais, et c’est ce qu’avec votre permission je m’en vais essayer de vous faire voir aujourd’hui.

Et tout d’abord, ce livre sur la langue française, né d’un sentiment pieux envers la « doulce parlure » et « apertement dédié » à la défendre (Préface, p. XXIV), ce livre, pardonnez la brutalité de ma question, est-il, ou non, écrit en français ?

Je ne demande pas, remarquez-le bien, s’il est écrit en un français éloquent, en un français coloré, en un français original. Vous me répondriez — et vous auriez raison — que ce sont là se-