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quises. “Vous ne souffrez pas, dites-vous, de cette surproduction qui nous accable.” C’est vrai, Monsieur ; et vous auriez pu ajouter que ce rare avantage, il n’y a, pour le partager avec nous dans les mêmes proportions, que le Groënland, la Terre de Feu, la Côte d’Ivoire, et quelques autres contrées également très connues par leur littérature.

Vous voyez que je vous accorde beaucoup. Puis-je, en retour, vous demander une concession ? Franchement, tenez-vous beaucoup au titre de votre ouvrage “sur la littérature canadienne-française” ? Voulez-vous que je vous dise ? à votre place j’y renoncerais. Voyez-vous, la qualité première de votre langue est la clarté, par conséquent la précision, et ce serait vraiment dommage qu’un aussi beau livre commençât par une faute de français. Or, vous savez très bien que nous n’avons pas de littérature, et vous n’aviez pas besoin de moi pour vous l’apprendre. Ne craignez pas de nous blesser en énonçant une vérité que nul esprit sérieux, même chez nous, ne songerait à nier, et soyez sûr que votre franchise nous plaira plus que vos compliments, évidemment excessifs. Parce qu’un Moscovite aurait fait un livre français qui ne serait pas trop mal, vous croiriez-vous en droit, même si pareil accident se répétait à sept ou huit reprises, de parler de la littérature