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À UNE BAIGNEUSE.



À UNE BAIGNEUSE


Qui donc es-tu, folle étrangère,
Qui sur nos plages viens le soir,
Et dans la mer, au clair miroir,
Cours te plonger, blanche et légère ?

L’écho demande d’où lu sors,
L’écho l’ignore ; — le rivage
Ne sait de toi que ton courage
Et que les grâces de ton corps.

De qui tiens-tu cette âpre flamme ?
De qui tiens-tu ce bras viril
Qui te fait braver le péril
Du vent qui souffle et de la lame ?

La côte, l’autre soir, grondait ;
L’onde accourait sous la tourmente,
Et sur la grève, au loin fumante,
Énorme, elle se répandait.

Les hommes sentaient en silence
Trembler le môle et le rocher :
Ils contemplaient, sans approcher,
L’irrésistible violence…

Tu vins ; tu vis cette fureur,
Tu dénouas soudain ta robe,
Et dans le flot, qui te dérobe,
Tu plongeas du front sans terreur.