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Page:Frère Gilles - Les choses qui s'en vont, 1918.djvu/142

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LES CHOSES QUI S’EN VONT

Après avoir enlevé son butin le plus terreux, chacun se lavait les mains. Les hommes remontaient leurs bricoles sur leurs épaules, et se passaient la main dans le toupet. Les femmes s’épivardaient comme vous savez — ce qui veut dire : jusqu’à Amen — et restaient, de travers comme devant. Il y avait toujours quelques zigonneux pour leur monter des scies, jusqu’à ce que la maîtresse de la maison y mît la main, en les apostrophant : « Largue-la donc tranquille, s’pèce de flandrin : y a toujours des émites pour tanner le monde en vie. » Puis l’engagère reprenait sur un autre ton : « Il y a une escousse que la table est grayée, et que le manger fige dans les plats ! »

En effet, sur la table dressée dans le fournil, la soupe sortant de la chaudronne, boucanait comme les engins du Grand-Trunk… dans ce temps-là. Après avoir pris sa place, chacun était servi de soupe-aux-pois, de lard frais ou salé, de légumes. Si le cultivateur avait fait boucherie pour la circonstance — ce qui n’était pas rare — il y avait