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Tous les malheurs sur lui viennent fondre avec rage.
Presque seul contre tous, il tient tête à l’orage ;
Jusqu’à ce que pour vaincre, il n’ait plus qu’un recours :
Franchir le continent pour chercher du secours.

Il part. Des noirs bayous côtoyant les rivages,
À travers les grands bois ou les pampas sauvages,
La savane fangeuse ou le sable mouvant,
Sur un sol ennemi, sous un ciel énervant,
Il marche, il marche encor, sans un mot qui console,
N’ayant que deux amis : son chien et sa boussole.
Il revoit l’Arkansas, le lointain Missouri,
L’Illinois méandreux et l’Ohio fleuri,
Le blond Mississipi, tous ces sillons immenses
Où son bras a jeté d’immortelles semences ;
Et c’est le cœur toujours à son œuvre acharné,
Que le héros, malade, errant, abandonné,
Tombe, le crâne ouvert par la balle d’un traître.
Il expire ; et la main pieuse d’un vieux prêtre
Plante une branche en croix sur sa fosse. En quel lieu
Hélas ! c’est le secret du désert et de Dieu.