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ÉPICURE.

plusieurs philosophes de son siècle, il se contenta d’enseigner sans écrire. Le Manuel d’Épictète a été commenté par Simplicius, traduit dans presque toutes les langues, et dix-neuf fois en français. La meilleure traduction est encore celle de Dacier, 2 vol. in-12, Paris, 1715 ; la meilleure édition est celle de Schweighæuser, dans la collection intitulée Epicteteæ philosophiæ monumenta litt., gr. lat. ; 15 vol. in-8o, Leipzig, 1799-1800. J. S.


ÉPICURE, naquit à Athènes, au bourg de Gargettos, la troisième année de la cixe olympiade, ou l’an 341 avant notre ère. Sa famille était ancienne et d’illustre origine ; mais son pcre et sa mère, tombés dans l’indigence, furent réduits à partir pour Samos, parmi les colons que les Athéniens y envoyaient. Arrivé dans l’île, le père se fit maître d’école, la mère devineresse. Son jeune fils l’accompagnait dans ses excursions. C’était lui, dit-on, qui, dans les cérémonies mystérieuses, était chargé de prononcer les paroles magiques. Ce fut sa première école. Fils d’une magicienne, un peu magicien lui-même, il n’est pas étonnant que dans la suite il ait pris en pitié toutes les superstitions populaires.

Épicure avait quatorze ans, lorsqu’un grammairien expliquant devant lui ce vers d’Hésiode :

À l’origine naquit le chaos .......

il s’écria : « Et le chaos, d’où naquit-il ? » Le maître répondit que cette question n’avait rien de grammatical, et renvoya le questionneur aux philosophes. « Eh bien, dit Épicure, désormais les philosophes seront mes seuls maîtres. » Ce fut en effet vers cette époque qu’il commença à lire Anaxagore, Archelaüs, et surtout Démocrite, dont la physique le transporta d’admiration. Quelques années plus tard, il étudiait la philosophie à Athènes, auditeur plutôt que disciple des platoniciens Xénocrate et Pamphile, et de Nausiphane le pythagoricien. Son séjour n’y fut pas de longue durée ; car, après la mort d’Alexandre, les Athéniens ayant été chassés de Samos, Épicure alla rejoindre son père, refugié à Colophon. Ce fut dans cette ville qu’il fonda sa première école. Il habita ensuite successivement Mytilène et Lampsaque. Enfin, en 305, à l’âge de trente-six ans, il quitta l’Asie et vint se fixer à Athènes, dans la capitale du monde civilisé.

Ses succès y furent immenses. De toutes les parties de la Grèce, même de l’Asie Mineure, de la Syrie el de l’Égypte, les disciples affluaient dans le petit jardin où enseignait Épicure, ils s’aimaient les uns les autres, vivant en commun comme les disciples de Pythagore, sans renoncer toutefois au droit de propriété. Surtout ils aimaient leur maître, s’attachaient à sa personne et ne le quittaient plus. Pendant toute la vie d’Épicure, un seul, Métrodore de Stratonice, passa dans une école étrangère, et ce fait est resté dans l’histoire. Cette puissance s’explique. Épicure avait au plus haut degré tout ce qui charme la multitude. Il n’avait rien de ce qu’elle hait ni de ce qu’elle craint. Point de ces facultés supérieures qu’il faut d’abord se faire pardonner. Point de cette énergie de volonté qui rend exigeant pour les autres. Nature douce, flexible et facilement égale, capable de tout aimer, sinon d’aimer forte