Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/103

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tement de ses ressources, une aristocratie qui boudait ; le jour, des rues sans mouvement ; la nuit, des avenues sans lumières ; un silence hargneux, interrompu seulement par des sonneries d’église ; et tous les soirs, à dix heures, la grosse cloche de Saint-Pierre sonnant le couvre-feu sur une ville déjà aux trois quarts endormie plutôt d’ennui que de lassitude. De longs boulevards, plantés d’ormeaux très-beaux, très-sombres, l’entouraient d’une ombre sévère. J’y passais quatre fois par jour, pour aller au collége et pour en revenir. Ce chemin, non pas le plus direct, mais le plus conforme à mes goûts, me rapprochait de la campagne : je la voyais s’étendre au loin dans la direction du couchant, triste ou riante, verte ou glacée, suivant la saison. Quelquefois j’allais jusqu’à la rivière, le spectacle n’y variait pas : l’eau jaunâtre en était constamment remuée en sens contraire par les mouvement de la marée qui se faisait sentir jusque-là. On y respirait, dans les vents humides, des odeurs de goudron, de chanvre et de planches de sapin. Tout cela était monotone et laid, et rien au fond ne me consolait des Trembles.

Ma tante avait le génie de sa province, l’amour des choses surannées, la peur des changements,