Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/107

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sur les bancs, imaginez un garçon aimable, un peu bizarre, très-ignorant en fait de lectures, très-précoce dans toutes les choses de la vie, aisé de geste, de maintien, de paroles, ne sachant rien du monde et le devinant, le copiant dans ses formes, en adoptant déjà les préjugés ; représentez-vous je ne sais quoi d’inusité, comme une ardeur un peu singulière, jamais risible, d’anticiper sur son âge et de s’improviser un homme à seize ans à peine ; quelque chose de naissant et de mûr, d’artificiel et de très-séduisant, et vous comprendrez comment Mme Ceyssac en fut charmée au point de pardonner à ses défauts d’écolier, comme au seul reste d’enfantillage qu’il y eût en lui. Olivier d’ailleurs arrivait de Paris, et c’était là la grande supériorité d’où lui venaient toutes les autres, et qui, sinon pour ma tante, au moins pour nous, les résumait toutes.

Aussi loin que je retourne en arrière à travers ces souvenirs si médiocres à leur source, si tumultueux plus tard, et dont j’ai quelque peine à remonter le cours, je retrouve à leur place accoutumée, autour de la table en drap vert, sous le jour des lampes, ces trois jeunes visages, souriants alors, sans l’ombre d’un souci réel, et que des chagrins ou des passions devaient un jour attrister