Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de tant de manières : la petite Julie avec des sauvageries d’enfant boudeur ; Madeleine encore à demi pensionnaire ; Olivier causeur, distrait, quinteux, élégant sans viser à l’être, mis avec goût à une époque et dans un pays où les enfants s’habillaient on ne peut plus mal, maniant les cartes vivement, prestement, avec l’aplomb d’un homme qui jouera beaucoup et qui saura jouer, puis tout à coup, dix fois en deux heures, quittant le jeu, jetant les cartes, bâillant, disant : Je m’ennuie, et allant s’enfouir dans une profonde bergère. On l’appelait, il ne bougeait pas. À quoi pense Olivier ? disait-on. Il ne répondait à personne, et continuait de regarder devant lui sans dire un mot, avec cet air d’inquiétude qui lui-même était un attrait, et cet étrange regard qui flottait dans la demi-obscurité du salon comme une étincelle impossible à fixer. Assez peu régulier d’ailleurs dans ses habitudes, déjà discret comme s’il avait eu des mystères à cacher, inexact à nos réunions, introuvable chez lui, actif, flâneur, toujours partout et nulle part, cette sorte d’oiseau mis en cage avait trouvé le moyen de se créer des imprévus dans la vie de province, et de voler comme en plein air dans sa prison. Il se disait d’ailleurs exilé, et comme s’il eût quitté la Rome d’Auguste pour venir en