Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/139

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tour de sa tête un petit jonc qu’il tenait à la main, comme s’il eût voulu trancher quelque chose en fendant l’air. Puis, tout en continuant de fouetter le vide avec une véhémence extrême, il ajouta :

« Si je pouvais seulement lire dans ses yeux un oui ou un non ! Je n’en connais pas d’aussi tourmentants ni d’aussi beaux, excepté ceux de mes deux cousines, qui ne me disent rien. »

Un autre jour, un accident contraire le rendait à lui-même. Il devenait sensible, agité, légèrement enthousiaste, en tout beaucoup plus naturel. Il s’abandonnait à quelques douceurs de gestes et de langage, qui, quoique toujours fort réservées, m’en apprenaient assez sur ses espérances.

« Es-tu bien sûr de l’aimer ? » lui demandai-je enfin, tant cette première condition pour qu’il se montrât exigeant me semblait indispensable et cependant douteuse.

Olivier me regarda dans le blanc des yeux, et, comme si ma question lui paraissait le comble de la niaiserie ou de la folie, il partit d’un éclat de rire insolent qui m’ôta toute envie de continuer.

L’absence de Madeleine dura le temps convenu. Quelques jours avant son retour, en pensant à elle, et j’y pensais à toutes les minutes, je récapitulai les changements qui s’étaient opérés en moi de-