Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/140

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puis son départ, et j’en fus stupéfait. Le cœur gros de secrets, l’âme émue d’impulsions hardies, l’esprit chargé d’expérience avant d’avoir rien connu, je me vis en un mot tout différent de celui qu’elle avait quitté. Je me persuadai que cela me servirait à diminuer autant l’ascendant bizarre auquel j’étais soumis, et cette légère teinte de corruption répandue sur des sentiments parfaitement candides me donna comme un semblant d’effronterie, c’est-à-dire tout juste assez de bravoure pour courir au-devant de Madeleine sans trop trembler.

Elle arriva vers la fin de juillet. De loin j’entendis les grelots des chevaux, et je vis approcher, encadrée dans le rideau vert des charmilles, la chaise de poste, toute blanche de poussière, qui les amena par le jardin jusque devant le perron. Ce que j’aperçus d’abord, ce fut le voile bleu de Madeleine, qui flottait à la portière de la voiture. Elle en descendit légèrement et se jeta au cou d’Olivier. Je sentis, à la vive et fraternelle étreinte de ses deux petites mains cordialement posées dans les miennes, que la réalité de mon rêve était revenue ; puis, s’emparant avec une familiarité de sœur aînée du bras d’Olivier et du mien, s’appuyant également sur l’un et sur l’autre, et versant sur tous les deux comme un rayon de vrai