Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/141

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soleil, la limpide lumière de son regard direct et franc, comme une personne un peu lasse, elle monta les escaliers du salon.

Cette soirée-là fut pleine d’effusion. Madeleine avait tant à nous dire ! Elle avait vu de beaux pays, découvert toute sorte de nouveautés, de mœurs, d’idées, de costumes. Elle en parlait dans le premier désordre d’une mémoire encombrée de souvenirs tumultueux, avec la volubilité d’un esprit impatient de répandre en quelques minutes cette multitude d’acquisitions faites en deux mois. De temps en temps elle s’interrompait, essoufflée de parler, comme si elle l’eût été de monter et de descendre encore les échelons de montagne où son récit nous conduisait. Elle passait la main sur son front, sur ses yeux, relevait en arrière de ses tempes ses épais cheveux, un peu hérissés par la poussière et le vent du voyage. On eût dit que ce geste d’une personne qui marche et qui a chaud rafraîchissait aussi sa mémoire. Elle cherchait un nom, une date, perdait et retrouvait sans cesse le fil embrouillé d’un itinéraire, puis se mettait à rire aux éclats quand, la confusion s’introduisant dans son récit, elle était obligée d’appeler à son aide la claire et sûre mémoire de Julie. Elle exhalait la vie, le plaisir d’apprendre,