Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/151

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extraits des lettres d’Augustin ; il vous sera facile, en supposant les réponses, de comprendre l’esprit général de notre correspondance, et vous y verrez plus complètement ce qu’étaient alors sa vie et la mienne.

« Paris, 18…

« Déjà dix-huit mois que je suis ici ! Oui, mon cher Dominique, il y a dix-huit mois que je vous ai quitté sur cette petite place où nous nous sommes dit au revoir. Vingt-quatre heure après, chacun de nous se mettait à l’œuvre. Je vous souhaite, mon cher ami, d’être plus satisfait de vous que je ne le suis de moi. La vie n’est facile pour personne, excepté pour ceux qui l’effleurent sans y pénétrer. Pour ceux-là, Paris est le lieu du monde où l’on peut le plus aisément avoir l’air d’exister. Il suffit de se laisser aller dans le courant comme un nageur dans une eau lourde et rapide. On y flotte et l’on ne s’y noie pas. Vous verrez cela un jour, et vous serez témoin de bien des succès qui ne tiennent qu’à la légèreté des caractères, et de certaines catastrophes qui n’auraient point eu lieu avec un poids différent dans les convictions. Il est bon de se familiariser de bonne heure avec le spectacle vrai des causes et