Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/174

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l’air calme et bleu de la nuit. À peine avait-on le sentiment du froid, quoiqu’il fût rendu plus intense encore par la limpidité du ciel et l’absence de vent.

Je pensai aux Trembles ; il y avait si longtemps que je n’y pensais plus ! Ce fut comme une lueur de salut. Chose bizarre, par un retour subit à des impressions si lointaines, je fus rappelé tout à coup vers les aspects les plus austères et les plus calmants de ma vie champêtre. Je revis Villeneuve avec sa longue ligne de maisons blanches à peine élevées au-dessus du coteau, ses toits fumants, sa campagne assombrie par l’hiver, ses buissons de prunelliers roussis par les gelées et bordant des chemins glacés. Avec la lucidité d’une imagination surexcitée à un point extrême, j’eus en quelques minutes la perception rapide, instantanée de tout ce qui avait charmé ma première enfance. Partout où j’avais puisé des agitations, je ne rencontrais plus que l’immuable paix. Tout était douceur et quiétude dans ce qui m’avait autrefois causé les premiers troubles que j’aie connus. Quel changement ! pensais-je, et sous les incandescences dont j’étais brûlé, je retrouvais plus fraîche que jamais la source de mes premiers attachements.