Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/199

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positions insensées il me restait je ne sais quelle saveur horriblement douce dont le peu de volonté que j’avais était enivré ; puis je pensais que c’était bien la peine d’avoir si courageusement lutté pour en arriver là.

Je découvrais en moi une telle absence d’énergie et je concevais un tel mépris de moi-même, que ce jour-là très-sérieusement je désespérai de ma vie. Elle ne me semblait plus bonne à rien, pas même à être employée à des travaux vulgaires. Personne n’en voulait et je n’y tenais plus. Des enfants vinrent jouer sous les arbres. Des couples heureux passèrent étroitement liés. J’évitai leur approche, et je m’éloignai, cherchant où je pourrais aller, moi, pour n’être plus seul. Je revins par des rues désertes. Il y avait là de grands ateliers d’industrie, clos et bruyants, des usines dont les cheminées fumaient, où l’on entendait bouillonner des chaudières, gronder des rouages. Je pensai à ces effervescences qui me consumaient depuis plusieurs mois, à ce foyer intérieur toujours allumé, toujours brûlant, mais pour une application qui n’était pas prévue. Je regardai les vitres noires, le reflet des fourneaux ; j’écoutai le bruit des machines.

« Qu’est-ce qu’on fait là dedans ? me disais-je.